27 novembre 2007


La jeunesse n’est pas éternelle.

L’année 2006 nous a ouvert les yeux sur la raréfaction des Pu Er anciens et nous a permis de découvrir sinon d’apprécier les jeunes Pu Er que nous ne connaissions pas jusqu’alors.

L’aventure du thé prenait alors un tournant inattendu en nous invitant à ouvrir notre goût à de nouvelles références.

Souvenez-vous qu’il y a encore peu de temps, les galettes n°10, 30 ou 31 vous paraissaient jeunes…

Nous avons tous fait notre deuil de l’état de grâce que nous vivions depuis des années en dégustant des références des années 70 ou 80 au quotidien.

Aujourd’hui, il faut composer avec l’évanescence des millésimes 2005, 2006 et même 2007, savoir apprécier leur fruité, leur délicatesse. Mais comme l’écrivait Christophe :

« Il n'y a rien à faire le Pu-erh c'est quand même meilleur avec 20 ans derrière le collet »

Certes, mais faute de « plan B », il va falloir faire avec et pour toujours.

Mais à peine digérée, cette révolution fait déjà place à une nouvelle : nos jeunes thés mutent après un an ou deux.
Ils se transforment et entrent dans une phase plus ingrate et semblent nous donner rendez-vous dans quelques années pour l’inauguration de leurs arômes camphrés et boisés.

Alors que l’on nous disait que Pu Er était long à évoluer, notamment hors d’Asie, nous sommes cueillis à froid, condamnés à gérer nos stocks avec un soin métronomique.

Regoûtez comme je viens de le faire la briquette Mengku Lao Ban Zhang 2006 de 90 grammes et vous constaterez qu’elle a atteint la deuxième phase de sa continuelle mutation, perdant de sa fraîcheur, de son fruité et commençant à développer une saveurs boisée et médicinale.

Le temps n’a pas de temps à nous céder et poursuit sa route du thé sans se préoccuper de nos envies du moment et de nos attentes.

Mais l’aventure sera passionnante...

18 novembre 2007





Galette n°53 2007 M3T.

J'ai d'abord écrit un commentaire de dégustation dans lequel je décrivais ma petite expérience de ce thé en précisant qu'il sentait le fruit frais, résistait bien aux infusions, n'avait pas de caractère difficile comme cela peut-être le cas avec les Pu Er jeunes abordables et offrait une infusion pure et savoureuse.
Et puis, je me suis dit que l'on pouvait lire tout cela à chaque fois que l'un d'entre nous appréciait et décrivait un jeune Pu Er recommandable.



Alors je me suis dit:
Que peut-on s'offrir de mieux pour 16 euros et qui dure 60 x 1 heure ?
Quelle est la meilleure chose que vous ayez jamais achetée pour 16 euros ?
Et qui dure ?



Un Moulin à Vent du Domaine de Vissoux 2003 qui sent la fraise des bois ?
3 éclairs au chocolat de chez Fauchon ?
Une boîte de truffes au chocolat de chez Jean-Charles Rochoux ?
Match Point de Woody Allen en DVD chez un soldeur ?
Un onglet de veau déglacé au cognac avec une poêlée de girolles à la crème fraîche à la maison devant la télé ?
Un ticket pour le dernier étage de la tour Eiffel un matin d'hiver où le ciel vire au rose ?
Un petit bouquet de fleurs offert à une fille qui faisait encore les vitrines un soir de Noël à 21 heures ?
Une séance de Photomaton torride avec votre nouvelle (eau) copine/copain ?
Un dernier verre au bar du Lutetia un soir où le pianiste a la visite de son amie ?

Le problème avec tous ces choix, c'est qu'ils ne durent jamais 60 x 1 heure.



Alors croyez-moi, allez vous acheter cette galette et ne pensez plus à tout ça...






13 novembre 2007


Grandes manoeuvres...

Regardez-les évoluer, gesticuler quotidiennement pour accomplir leur labeur, leurs tâches sans plus même réfléchir au but poursuivi.
Contemplez donc la foule que se presse, qui grouille chaque jour, accomplissant les mêmes gestes mécanisés, la tête ailleurs.
Observez les insectes marchant en grappes le long des rues bondées en ces temps de circulation difficile.
Amis étrangers bloggeurs, lecteurs, contemplez depuis votre citadelle le savoureux ballet des Français en mouvement, en dégustant votre thé préféré, la tête rejetée en arrière en signe de détente, de décontraction extrême.

Vous êtes bien, dans la pénombre de votre intérieur confortable et silencieux.
Seul le crépitement de la bouilloire semble capable de vous rappeler au monde des vivants.
Vous avez, pour l’occasion, sélectionné les précieuses feuilles avec un soin tout particulier.
Vous accomplissez les gestes savants du dégustateur de thé en soignant la souplesse des mouvements comme par reconnaissance pour cet instant de pur abandon.
La théière a été soigneusement chauffée afin de permettre d’abord aux feuilles sèches de parfumer délicatement les lieux.
Vous portez au nez la tasse vide et inspirez les promesses invisibles de la liqueur imminente. Puis, vous vous laissez envahir par le précieux élixir en tournant les pages de votre journal, en portant un regard songeur sur les photographies d’insectes en costume d’hiver qui grouillent sous les banderoles.
Tant de rage, de vindicte à distance respectable rend votre bonheur plus palpable que jamais.
Puis, vous jetez un regard de côté vers votre bibliothèque abritant les boîtes de Wulong et vers la jarre pleine à craquer de trente années de millésimes de Pu Er religieusement collectés durant ces dernières années.
Les grèves peuvent bien durer…

09 novembre 2007




Un rendez-vous important...


Poursuivant l'exploration des Dan Cong, j'ai suivi le conseil de l'un d'entre vous qui se reconnaîtra et acheté une boîte de Zhu Yé. Autant le préciser d'entrée, si vous êtes un peu "short" en ce moment, ne regardez pas le prix au gramme... 39 euros / 30g, on entre clairement dans une gamme de prestige. Mais... quel bond en avant !


Je vous le confesse tout net, c'est l'un des plus beau Dan Cong que j'aie pu déguster jusqu'ici. On est au-delà des mots et de toute tentative de description.

Je m'y hasarde toutefois.

Un nez très complexe avec des notes de fruits: ananas et mangue rôtis, calisson, des notes boulangères de pain chaud.

En bouche, c'est le festival: comme un démon, le thé se jette au palais et emprisonne la langue avec une effervescence poivrée unique.

Il y a une vraie personnalité dans ce thé. C'est toujours émouvant de voir que l'on peut aller si loin dans le raffinement avec quelques feuilles de thé. Faut-il vous préciser que la longueur en bouche est interminable et qu'il tient très bien les infusions lointaines ?






Pour cette expérience unique, j'ai suivi le même protocole que la fois précédente en alternant le zhong et la théière. Infusion 1, 3, 5, 6 et 7 en zhong; infusion 2 et 4 en théière.


Mon sentiment se confirme et s'accentue: je préfère nettement le zhong. On perd trop en fraîcheur, en dynamique et en détail avec la théière. La tasse à sentir n'a rien à voir avec le couvercle du zhong. La rondeur gagnée ne me semble pas compenser l'imprécision. Quand je pense que j'ai en main une théière de très grande classe, je me dis que ce n'est pas la peine d'insister en ce qui me concerne car, encore une fois, je ne prétends pas à l'universalité. Il s'agit bel et bien un choix d'esthétique de dégustation et de priorité.



06 novembre 2007








Les années passeraient et se ressembleraient ?


J'évoquais le problème avec Antonio, récemment.


Si l'on voit arriver régulièrement chez nos marchands de thés favoris de nouveaux millésimes de Pu Er, de wulong et autres thés verts, nous n'avons aucune information sur les qualités et vertus des millésimes qui se succèdent.


Or, je suppose qu'à l'instar du vin, le thé ne bénéficie pas tous les ans des mêmes conditions météorologiques. Pour une référence donnée, il doit donc y avoir matière à communiquer sur l'évolution d'un thé d'une année sur l'autre et au-delà.


Si l'on peut acquérir un même thé plusieurs années de suite, il serait intéressant de savoir de quelles conditions il a pu bénéficier avant d'arriver sur notre table.


Quen pensez-vous ?

04 novembre 2007



Il y a longtemps que je voulais comparer le zhong et la théière pour la préparation des Dan Cong. J'ai réalisé mes essais avec un Bai Yé Dan Dong 3 fraîchement acquis. Autant le dire tout de suite, la différence n'est pas énoooooorme. Non, on est davantage dans le domaine du subtil, de plaisirs, de sensations différentes. Les gestes y sont pour beaucoup. Et puis, la théière est plus performante pour les infusions longues car elle garde mieux la température que la porcelaine.
Cela posé, il faut retenir plusieurs éléments. D'abord, il faut une très bonne théière qui tire le maximum des feuilles et reste bien chaude, ne vient pas trop arrondir ou masquer les parfums et saveurs tout en ajoutant ce liant qui est moins net avec la porcelaine. J'ai le sentiment qu'une théière pour ce type de thés devra être fine et très réactive pour une montée en température éclair.
la petite Zhuni "chaudron" est un modèle du genre. Le zhong sera toujours plus précis pour une analyse du thé et notamment de ses premières intentions. La fraîcheur des parfums, le croquant, le fruité propre aux Dan Cong sera parfaitement restitué avec le couvercle du zhong. Mais pas de grosse frustration à mon sens pour ceux qui ne pourront pas investir dans une théière de potier en terre épuisée de Yixing. Un zhong à 5$ donnera déjà de grandes satisfactions. Il me semble que la théière s'impose davantage pour les Rocher et surtout pour les Pu Er qui demandent de soigner la mâche, le "tombé en bouche", l'orchestration des saveurs.

Vous aurez peut-être un avis différent, des priorités différentes. Mais avant d'investir dans une théière de potier, il convient de déterminer ce que l'on recherche comme sensation, dresser un cahier des charges. Personnellement, je ne me vois pas déguster les Rocher en zhong, j'ai essayé; il me manque quelque chose. Dans le cas des Dan Cong, même si pour l'heure je manque de recul, je suis moins exigeant. Pour l'instant...

02 novembre 2007




Après un début timide et mais généreux, l’automne semble s’installer sur la capitale.
Les feuilles, si tendres il y a encore une poignée de jours, arborent leur robe mordorée.
L’appel des Rochers ne saurait tarder dans de telles conditions.




C’est ainsi que je vous invite virtuellement à la dégustation d’un Bu Jian Tian.




Comme vous le constatez, les feuilles rincées évoquent les délices de l’enfance, les pâtisseries chaudes rassurantes, le cacao fumant de la chocolatière. Mais le raffinement et la puissance des parfums préparent à une dégustation racée.




La première infusion présente une bouche intense et sensuelle malgré une légèreté toute en promesse. Vous passez à proximité de votre conquête et captez à la dérobée un parfum fleuri inattendu et une acidité qui fixe la ligne de fuite imaginaire. Le souvenir d’une aventure avec un Shui Xian 5 est vivace.




La liqueur est là, offerte à la contemplation, jaune légèrement orangé et joliment transparente.
L’infusion suivante est plus corsée et ne s’embarrasse plus de formalités avec davantage d’acidité au nez, de cire comme dans l’évocation d’un presbytère de campagne entretenu comme à la veille d’une noce ou de funèbres préparatifs.



La bouche est légèrement farineuse, granuleuse. Il y a du corps et de la chair dans cette dégustation. Les senteurs de réductions balsamiques vous font tourner la tête tandis que les parfums dansent une valse endiablée pendant plus de deux minutes dans la tasse à sentir. Dame nature palpite par tous vos pores.
Vous avalez enfin, sans rougir et gardez l’onde d’une subtile amertume végétale sans retour possible.



La dernière tasse de cette infusion a perdu en chaleur ce qu’elle gagne en parfums floraux capiteux comme après le passage de quelque créature vêtue de velours pourpre. Votre palais est légèrement brûlé comme après l’alcool, râpeux, âpre et délicieusement dévasté. Vous palpitez de plus belle.






Votre troisième infusion pleine de force vous laisse pourtant un sentiment de transparence, de limpidité et la robe arbore maintenant la couleur orangée et lumineuse d’un matin d’été. Vous êtes calme et détendu, comme offert à votre dégustation, disponible pour de nouveaux plaisirs que ce thé vous réservera au fil des infusions prochaines.