27 juin 2007


J'ai goûté ce thé à plusieurs reprises depuis sa livraison.
Hier, j'ai dégusté à nouveau cette référence et considéré qu'elle avait suffisamment reposé chez moi pour pouvoir vous en parler.
C'est l'archétype du Pu Er cuit. C'est sucré, très boisé, iodé, presque salé, persistant mais aussi long en bouche. Un sentiment personnel: à mi-chemin entre la sauce soja et le viandox avec une pointe d'eau de mer et de tourbe. C'est pas mal. Plutôt plaisant sur le coup. Ca tient bien les infusions... plus qu'on ne l'aurait souhaité. Au moins, on est loin des cuits sans personnalité.
Je dédie cette dégustation à tous les amateurs de Pu Er raffinés, à tous ceux qui se privent, économisent pour déguster de belles choses, à tous les esthètes où qu'ils se trouvent.

24 juin 2007



Rien de tel qu'un dimanche au calme pour déguster un thé du Rocher, en l'occurence un Da Hong Pao 4. Dosé à 7g en théière yixing de 16,2 cl, ce thé puissant mais délicat est une invitation à la gourmandise. Les notes toastée, patissières caractéristiques de cette famille de thés sont bien présentes. Un sentiment de financiers sortant du four. Vanille, épices, mais aussi un parfum floral, sucré, de cire. Un arrière goût végétal enfin, à la manière de certaines courges. Au fil des infusions, la bouche perd un peu de sa grande force et laisse place à une saveur de confiture de poire, de coing, de pain grillé, de pâte d'amande plus apaisée.



Les infusions se succèdent sans chute brutale de précision, de matière. Il faut connaître un tel thé, un thé de sensations physiques, qui interagit avec le corps du dégustateur. Le souffle, l'énergie, le sentiment de satiété en sont affectés. La variété des Rocher est très nourrissante mais paradoxalement me déclenche d'intenses fringales quelques heures plus tard.


Il faut se frotter au Da hong Pao 3 pour comprendre que l'on peut aller encore beaucoup plus loin dans le raffinement et toucher du doigt une sorte de perfection dans la riche famille des Wulong. Hélas, le cap à franchir se paie. Mais il faut s'offrir au moins une fois le voyage pour comprendre toute la richesse de cette famille.

La dégustation est à présent terminée. La théière a oeuvré avec talent et l'expérience de nombreuses années. Elle a permis de sonder les arcanes du thé, notamment grâce à sa faculté de conserver une très haute température durant les infusions, même les plus longues.

20 juin 2007

Histoire d'une dégustation exemplaire.

Notre expérience des maisons de thé sérieuses et des aléas du Net nous invitent depuis plusieurs mois à la prudence et à acheter parcimonieusement dans l'espoir de bonnes pioches.
L'annonce de Scott était alléchante. Pur Ban Zhang 2006 et non un vulgaire blend à 10 ou 20%, une grande douceur, des arômes pénétrants, etc...
Notons qu'il s'agit d'un produit relativement cher pour de l'import en "loucedé" sans les frais d'une boutique en ville puisque cette briquette de 90 g coûte 15,50 $.
Passons aux commentaires de dégustation.
"The same procedure as every year, James": 2g/zhong infusions de 30" à 1'.
Dès le rinçage des feuilles, j'ai eu le sentiment que la page était tournée, celle des rince boyaux que l'on déguste en grimaçant et en se disant: "beuark ! y du potentiel, ce sera au top dans 47 ans et 3 mois!". Non, là on est dans un registre qui évoque déjà les mouvements lents des symphonies de Bruckner. Pardon, je divague. C'est fruité (abricot, pêche, papaye, lychee), pure comme du cristal, très complexe, d'une longueur en bouche interminable, l'amertume est presque impalpable mais donne assez de relief à ce thé très orchestré et homogène. Et même si l'on n'a pas le gras d'une galette 45 par exemple, on n’est pas loin en dessous à mon goût. L'un des deux ou trois plus beaux Pu Er jeunes qu'il m'ait été donné de déguster.

13 juin 2007




Maîtriser les éléments est une quête dangereuse et source de déceptions. Pauvres mortels que nous sommes, condamnés à accepter les lois de Dame Nature. Le dégustateur doit se contenter de surveiller les caprices du ciel, en profiter parfois, offrir un bol d'air humide, toutes fenêtres ouvertes à ses précieux Pu Er; s'en protéger en d'autres circonstances, occulter la lumière, fuir la sècheresse et le froid. Mais que penser d'une telle ambition sur une période se mesurant en années... Si facile à relever était le défi sur quelques mois, si périlleuse et inaccessible semble l'épreuve sur une, deux décennies.
Les changements qui accompagneront la vie du dégustateur, les déménagements, les odeurs et autres bouleversements qui émailleront les conditions de stockage des précieuses feuilles seront autant de points d'interrogation à l'ombre desquels il faudra apprendre à évoluer. Alors, mesurons, mesurez le poids du temps qui va s'écouler avant que vos thés ne puissent se révéler à votre palais. Et qui sait... puisse votre patience être récompensée.

09 juin 2007

Prendre le temps de soigner les théières.
Les remercier pour leur office, leur capacité à rendre et même magnifier les précieuses infusions. Savoir les choyer. Absorber l’eau de débordement qui se dépose sur le pourtour du couvercle et sous le bec afin d’éviter la formation d’un dépôt. Appliquer le pinceau sur les flancs de la théière, absorber l’eau qui pourrait stagner sous son corps. L’ébouillanter après la dégustation afin que l’humidité s’évapore rapidement puis brosser à chaud pour lisser, uniformiser les huiles essentielles qui auront transpiré et éliminer les dépôts de surface. Puis, retourner la théières et la laisser sécher en permettant à l’air de passer dessous pendant une journée entière afin d’obtenir un séchage complet.
Je ne suis pas de ceux qui pensent que la théière importe peu, qu’elle ne se bonifie que modérément. J’ai vécu pendant de nombreuses années avec mes théières, je les ai observées, écoutées. J’ai fait toutes sortes de tests, de comparaisons. Je les ai vu grandir, prendre de l’assurance. J’ai étudié leurs limites, leurs forces. J’ai appris les talents de chacune d’entre elles, les tâches dans lesquelles elles excellaient. Oui, une théière de potier se bonifie avec le temps et se culotte. Oui, elle donne à l’infusion la rondeur, l’homogénéité et l’orchestration nécessaires. Oui, elle conserve la chaleur nécessaire aux infusions les plus longues, ce que ne sait pas faire le zhong. Telle théière taiwanaise permettra l’analyse des composantes aromatiques d’un Wulong ou d’un pu Er. Telle Yixing ancienne guidera le dégustateur jusque dans les arcanes de tel Pu Er ou de tel Wulong de prestige. La forme de la théière facilitera les manipulations : une théière haute sera mieux adaptée à un Rocher ou à un Dan Cong aux longues feuilles, une théière basse et évasée offrira l’espace nécessaire à un Tie Guan Yin aux feuilles roulées en boules. Et puis, enfin lors de l’acquisition, se produira souvent l’inexplicable, cette étincelle qui fait choisir à la théière son maître, plutôt que l’inverse. Pour une couleur, une forme, un grain de peau, un volume, une origine, une originalité, l’évidence s’imposera au dégustateur, coûte que coûte.

03 juin 2007




Journée de rangement !




Galettes, briques, carrés, cubes, boîtes, vracs, papiers, théières, plateau, bols, tasses, pinceaux, au secours !

De l'ordre !

Le dégustateur qui ne veut pas vieillir seul doit s'astreindre à un minimum de discipline et un maximum sera copieusement apprécié.

Ce lumineux dimanche de printemps a donc été consacré à un ordonnancement rigoureux. Vérification du stock, descente à la cave des jeunes Pu Er crus et des cuits qui ne donnent pas envie.










Mise en jarre et en boîte des stars du moment, alignement des boîtes, repos des yeux de l'esprit.

Quoi de plus satisfaisant qu'une dégustation d'un vieux thé blanc au jasmin oublié depuis huit mois et encore tout à fait digne. Comme une récompense après une heure de travail appliqué.

02 juin 2007


Vague surréaliste

N’avez–vous jamais eu le sentiment que la réalité vous échappait, que vous viviez les évènements dans un univers parallèle, que la réalité était si déconnectée de la norme qu’elle en devenait à peine croyable ?

Ces instants peuvent inquiéter, donner le sentiment que l’on ne maîtrise plus rien mais également inspirer confiance, laisser penser que l’aventure de la vie laisse réserve encore quelques surprises.

Hier, par exemple, lorsque de retour du bureau, je me prépare, en guise d’apéritif un Mi Lan Xiang 5 en écoutant le second trio de Schubert, et que je laisse venir calmement et seul, le sentiment du week-end, tentant de relâcher mes mécanismes de veille, les sentinelles qui oeuvrent à laisser émerger en permanence les arrêtes les plus saillantes des soucis du quotidien. Je suis bien, presque détendu, uniquement occupé à puiser dans le couvercle renversé de mon zhong les parfums les plus délicats.

L’œuvre s’achève et appelle un bref silence de remerciement.

Puis, j’allume la radio et replonge dans la réalité mais curieusement pas dans celle qui nous rattrape toujours, non, plutôt dans une espèce de palier de décompression encore baigné de surréalisme.
J’apprends que la cousine de Ségolène Royal est élue Front National (premier choc) et vient de s’enchaîner (second choc) pour la nuit à un pied de vigne afin de militer pour la cause des viticulteurs.
Il me reste à renverser la tête en arrière, relancer la bouilloire pour la prochaine infusion et me dire que la vie est formidable.