09 juin 2007

Prendre le temps de soigner les théières.
Les remercier pour leur office, leur capacité à rendre et même magnifier les précieuses infusions. Savoir les choyer. Absorber l’eau de débordement qui se dépose sur le pourtour du couvercle et sous le bec afin d’éviter la formation d’un dépôt. Appliquer le pinceau sur les flancs de la théière, absorber l’eau qui pourrait stagner sous son corps. L’ébouillanter après la dégustation afin que l’humidité s’évapore rapidement puis brosser à chaud pour lisser, uniformiser les huiles essentielles qui auront transpiré et éliminer les dépôts de surface. Puis, retourner la théières et la laisser sécher en permettant à l’air de passer dessous pendant une journée entière afin d’obtenir un séchage complet.
Je ne suis pas de ceux qui pensent que la théière importe peu, qu’elle ne se bonifie que modérément. J’ai vécu pendant de nombreuses années avec mes théières, je les ai observées, écoutées. J’ai fait toutes sortes de tests, de comparaisons. Je les ai vu grandir, prendre de l’assurance. J’ai étudié leurs limites, leurs forces. J’ai appris les talents de chacune d’entre elles, les tâches dans lesquelles elles excellaient. Oui, une théière de potier se bonifie avec le temps et se culotte. Oui, elle donne à l’infusion la rondeur, l’homogénéité et l’orchestration nécessaires. Oui, elle conserve la chaleur nécessaire aux infusions les plus longues, ce que ne sait pas faire le zhong. Telle théière taiwanaise permettra l’analyse des composantes aromatiques d’un Wulong ou d’un pu Er. Telle Yixing ancienne guidera le dégustateur jusque dans les arcanes de tel Pu Er ou de tel Wulong de prestige. La forme de la théière facilitera les manipulations : une théière haute sera mieux adaptée à un Rocher ou à un Dan Cong aux longues feuilles, une théière basse et évasée offrira l’espace nécessaire à un Tie Guan Yin aux feuilles roulées en boules. Et puis, enfin lors de l’acquisition, se produira souvent l’inexplicable, cette étincelle qui fait choisir à la théière son maître, plutôt que l’inverse. Pour une couleur, une forme, un grain de peau, un volume, une origine, une originalité, l’évidence s’imposera au dégustateur, coûte que coûte.

15 commentaires:

Philippe a dit…

Un texte magnifique Raphaël.
Toutes mes théières se joignent à moi pour te remercier d'avoir exprimé si brillamment l'amour que tu portes à tes théières, exactement le même que je porte moi-même aux miennes !

Le zhong est certes un instrument utile, mais il est sans âme, purement technique, froid, limite laid,... Une théière au contraire, qu'elle soit Yixing ancienne ou taïwanaise de potier, est presque un "être vivant" : elle respire, elle évolue, elle se perfectionne ou finit comme pot de fleur si on ne sait pas s'en servir !! Elle prend des rides de vieillesse (patine, culotage) comme nous tous ! Bref un objet vivant sans cesse en mouvement et doté d'un charme fou !

Anonyme a dit…

Je souscris à tout ça, moi aussi je suis amoureux de ces petites choses si attachantes...En revanche Raphaël je ne suis pas encore arrivé au point de connaissance de mes théières comme toi avec les tiennes, connaître les subtilités de chacune (j'en ai 2 !), les voir évoluer dans le temps...En te lire on sent que tu vis ce que tu dis...

Raphael a dit…

Merci les gars,
En fait, il est assez excitant de penser que la plupart du temps, on choisit une affectation à une famille de thés donnée sans être certain que le "match" est parfait avec la théière. Bon, vous me direz: une vraie bonne théière sait tout faire. Mais bon, on aime bien pinailler, n'est-ce pas ?
Il faut faire des essais,notamment au niveau du grammage et de la température d'infusion, comme me l'indiquait Christophe. Il faut être bien en phase avec une théière. Je me rappelle d'une théière yixing que j'avais essayée à la M3T et qui me laissait perplexe malgré la beauté de ses lignes et la qualité de la terre. Finalement, je ne l'ai pas achetée. J'ignore encore pourquoi, c'est irrationnel, je le concède mais je la destinais aux Pu Er et je me disais que les infusions étaient trop fondues.
Celle qui figure sur la photo ci-dessus a aussi une histoire. Je la trouvait étrange avec sa tête plate mais j'étais séduit par le grain de la terre et par la double gorge formée par le bord et le couvercle. Bref, je ne pouvait pas la reposer. Je ne cessais pas de pas tripoter. Finalement, je l'ai prise. Aujourd'hui encore, elle cherche une affectation. Je la destinais aux Tie Guan yin mais je ne suis pas fan de ces thés, pour l'instant.

Michel a dit…

Merci Raphael, J'aime cette affection pour la yixing.. après tout il y a très peu d'objets que nous chérissons presque tout les jours!
c'est comme le Pu ehr, à force de le cautoyer la relation est plus profonde..
Comme un instrument de musique, si on joue pas avec régulièrement donnons ou vendons le à quelqu'un qui la chérira. Une passion c'est un peu comme une vigne, de temps en temps c'est bon de ne garder que l'essentiel pour s'ouvrir à ce qui va venir..

Une yixing qui sert tout le temps au fil du temps, des générations là ça devient réelement magique..

En ce qui concerne le guan yin, c'est mon premier voyage en gong fu.. et si aujourd'hui j'en achete prèsque jamais, j'en boirai volontiers 200 ou 300g à la chinoise ..très torréfier pour rentrer dans leur trip!

Raphael a dit…

"après tout il y a très peu d'objets que nous chérissons presque tout les jours! "

C'est exact. Je dirais même qu'il y a peu d'objets rares et particuliers qui soient utiles au quotidien. C'est cette utilité qui garde les théières d'un luxe de surface.

jeancarmet a dit…

Ah ! La "mal aimée" en photo.

Pas un physique facile mais tellement attachante !

Raphael a dit…

Elle a une bonne bouille de marmite de grand-mère, non ?

jeancarmet a dit…

A ben moi je l'ai toujours aimé ta Michel Simon !
Bien lourde et franche du collier. Comment je lui collerais du Pu-erh dans le col à celle-ci !

Elle doit être très bien avec du Pu entre deux âges, genre des années 90. Dégustation à distance, tu l'as compris...

Raphael a dit…

Genre galette 21 ?
Oui, ça pourrait avoir du museau.
Je pense que la terre est un peu épaisse pour les Dan Cong. C'est dommage, il me manque une théière pour cette famille.
Peut-être à la fin de l'année, si le Père Noël m'a à la bonne.

jeancarmet a dit…

Non la galette 21, le zhong lui suffit. Je pense plutôt à 96, 97, 98 et 99.

Le Père Noël est déjà passé au mois de mai. Avec ton crédit d'impôts, tu vas bien réussir à te dégoter une théière à single bush.

Raphael a dit…

Oh c'est sûr.
Faudra qu'on cause en fin d'année ;o)

venant tout droit de provence , a dit…

on tombe forcement sous le charme de sa theiere , on la choye avec amour ( limite ma femme en est jalouse c'est dire ). je pense comme toi qu'un theiere se boniefie avec le temps et faire un tie guan yin dans une thiere qui n'a fait que du pu'erh ca se sent tout de suite .
un très beau texte que voilà

LIO a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
LIO a dit…

Très joli texte, que je relirais sans doute pour le plaisir d'imaginer tous ces gestes, délicats et plein qui font mon bonheur.

Une peau de bébé la petite. Elle est magnifique. Simple, originale, costaude mais pas grossière. Ouais, moi je l'aurais acheté sans hésiter.

Un condensé de rappels bienvenus. Oui on oublie souvent d'aller jusqu'au bout du frottage de bec et de l'essuyage des fesses.

Merci

Raphael a dit…

Merci à vous.
La contenance est de 14,8 cl.